Une vision pour la paroisse

Si vous expliquez à une personne où se trouve l’église Saint Joseph Artisan, quand bien même habiterait-elle le quartier, elle aura du mal à voir de quelle église vous parlez. Même en étant passée bien des fois en cette fin de la rue La Fayette, elle n’a pas vu d’église. Et à moins que cette personne ne mémorise le numéro 214, son adresse précise, il lui sera difficile de retrouver cette paroisse inconnue.

L’église Saint Joseph Artisan fait partie de cette catégorie d’églises qu’il faut avoir cherchées pour les trouver. Il faut qu’on en ait entendu parlé explicitement et précisément. Elle n’est pas sise au sommet d’une colline, visible de toute la ville, comme le sanctuaire de Montmartre, ou bien trônant aux carrefours de boulevards, sur une place où s’entrecroisent les milliers de voyageurs de la gare de l’Est, telle l’église Saint Laurent. Elle souffre d’emblée d’un manque de visibilité et donc d’un manque de notoriété. C’est son histoire qui en a décidé ainsi lorsque, endettée après sa construction, la communauté jésuite décide de vendre la parcelle de terrain devant l’église. Il s’y bâtit quatre immeubles, la rendant invisible de la rue La Fayette.

Elle n’est pas seule de son espèce. Le diocèse de Paris compte plusieurs églises encloses dans des cours d’immeubles : Notre-Dame de Nazareth, Notre-Dame de la Salette ou Notre-Dame du Perpétuel Secours, par exemple.

L’église étant inconnue du grand public, la communauté qui s’y rassemble est de petite taille. Et le danger, si l’on en croit la fable de la grenouille qui voulait devenir aussi grosse que le bœuf, est de rêver de devenir un sanctuaire de renommée internationale… ou même diocésaine. Mais comme le soulignait Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, « la plus grande sainte des temps moderne » selon le pape Pie XI mais qui était totalement inconnue des sœurs de son couvent, le soleil brille autant pour les petites pâquerettes que pour les grands lys. Elle se voyait en effet comme une pâquerette, une fleur ordinaire, au sein de sa communauté où ses soeurs carmélites lui apparaissaient telles des lys, par leurs qualités et les dons dont elles étaient ornées. Il en va ainsi de notre paroisse où le peu de personnes qui la fréquentent lui interdit les œuvres brillantes et ronflantes des grandes structures.

Mais le soleil divin luit aussi pour notre communauté et lui départit sa vie et sa chaleur.

Selon la première béatitude : « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume des Cieux est à eux » (Matthieu 5, 3), la petitesse de notre paroisse est en réalité une chance à recevoir et à vivre. Débarrassée du superfétatoire, il reste la vérité et la beauté de l’évangile : l’accueil de la vie divine dans la liturgie, la fraternité dans la simplicité des rapports, l’accueil du pauvre parce qu’en vérité, il est un frère, enfant de Dieu même cabossé par la vie, et enfin le zèle à propager la bonne nouvelle.

La beauté de ce à quoi nous appelle le Seigneur dépend bien plus de la grandeur de notre cœur que de la grandeur des moyens mis en œuvre. Le défi pour notre communauté plus encore que pour une autre se situera donc dans l’approfondissement de la grâce de Dieu. La vivre en vérité, en se convertissant plus radicalement sera la source de notre joie et de notre paix. On ne peut se dispenser, ici moins qu’ailleurs, et c’est la chance qu’il nous faut saisir, d’aller au cœur de l’évangile et de faire de la rencontre du Christ et du prochain son pain quotidien.

C’est ce que veut apporter la Communauté de l’Emmanuel à notre paroisse, depuis septembre 2006, avec la grâce de l’effusion de l’Esprit dont elle vit et qui la ressource dans la compassion, l’adoration et l’évangélisation, la vie fraternelle et la joie de l’Esprit Saint. Un enfouissement dans les réalités du quartier en même temps qu’une interpellation à avancer profondément dans la vérité de l’évangile.

Dans notre quartier si cosmopolite, où les maîtres mots sont « mixité » – sociale, religieuse, ethnique et culturelle – « pauvreté » et pourtant aussi « activité », la clôture de la paroisse Saint Joseph Artisan offre un havre, un port où coule la « Source d’eau-vive », le Christ, présent dans son église, l’assemblée des chrétiens qui eux-mêmes s’y abreuvent. Nous voulons ainsi accueillir dans la paix et la fraternité au nom du Seigneur Jésus tout homme qui a soif de découvrir le chemin, la vérité et la vie.

Père Jean-Pierre Durand

En la fête de Pâques, le dimanche 16 avril 2017.

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La joie des enfants dans la chasse aux œufs de Pâques.

214, rue La Fayette – Paris 10e