Pauline est décédée le vendredi 17 Janvier 2025 en la paroisse de Saint-Joseph Artisan, Paris 10e. Elle avait 64 ans.
Ceux qui l’ont connue durant les 30 années de mouvement qu’elle a vécues la surnommaient « Mamie Pau » ou « Paupau ». Elle était connue et appréciée, même si elle ne partageait pas les sonorités de sa voix avec n’importe qui. Si la confiance durcit avec la rue, elle avait trouvé des oreilles attentives parmi les paroissiaux, auprès du boucher d’à côté et sûrement en des endroits où nous n’avons pas su suivre sa trace.
Ceux de l’église lui ont fait de la place dans leur cœur et même au chaud en hiver, et, si elle refusait ces propositions d’hébergement pour ne pas déranger ou abuser de la gentillesse d’autrui, lorsqu’une place en foyer ou en centre d’hébergement d’urgence lui était proposée, Pauline la refusait de même parce qu’elle les trouvait trop contraignantes. Lorsqu’il lui arrivait d’être hospitalisée, Pauline donnait celle de la paroisse comme adresse de domiciliation administrative. En sortant, parfois encore en chemise d’hôpital, elle se rendait directement à Saint-Joseph comme par habitude : elle avait décidé de son point d’encrage et elle y était active : elle participait à la vie commune en surveillant les allées et venues ou en participant à l’organisation des repas du dimanche.
À la tombée de la nuit, à défaut choisi d’avoir un endroit fixe où se rendre, son alternative était la RATP, le STIF. Bien connue des agents qui la laissaient passer depuis de longues années, elle traversait les lignes de métros, faisant des aller et retour jusqu’à leur fermeture. S’en suivaient alors d’autres expéditions par le biais des bus noctiliens, sur un axe Montparnasse-Louis Blanc se terminant aux confins de l’Île-de-France et offrant de longs trajets qui lui permettaient de se reposer un peu.
Un peu : l’alerte fait les nuit courtes.
Ainsi, sa course cesse au matin, à Louis Blanc.
Là, sur le chemin de l’église, une boucherie propose du poulet rôti accompagné de patates aux oignons et à la sauce tomate ainsi que son riz parfumé aux herbes, aux épices, aux poivrons (le secret de ces saveurs n’appartient plus qu’au boucher et aux palais qui en ont fait l’expérience). Paupau, drôle et sympathique recevait ici son pain le plus quotidien : que la maison lui en fasse cadeau ou qu’autrui lui offre, souvent les paroissiaux. Le boucher la décrit telle une admirable « guerrière » : un « y’en a pas beaucoup des comme elle ! » assertif accompagnait son grand sourire.
Selon certains de ses témoins, elle aimait le thé sucré et autres douceurs de sucre ou chocolatées qui réchauffent le cœur. Elle déjeunait avant de s’allonger : soit dans l’enceinte de l’église où elle avait sa place de prédilection à côté des bouches chaudes d’aérations soit sur des bancs de la cour de l’église.
Lors de nos discussions avec les sœurs servantes des pauvres, elles nous ont dit qu’« elle cherchait le soleil » et les bancs alternativement exposés, elle ne les quittait pas.
Recueilli par Alexandre et Clara
Equipe des Service Civique
Association Collectif les Morts De la Rue
Toi qui es comme la mer, Ode à ton équilibre !
(Alexandre)
Vague, après vague, avant vague
Face aux forces des courants
Front aux ruées du ressac
Surf en guise de baraque
Ode à ton équilibre,
Perpétuel mouvement.
Bercée comme ces oiseaux
Qui, en sommeillant culminent,
Se reposant sur l’air chaud
Par peu d’efforts cheminent
Entre horaires dénaturés,
Et migrations pendulaires
Ton jour est celui du S.T.I.F.!
Insomniaques improductifs ?
Dissonance de trente ans
Conflictuel mouvement.
De Montpar’ jusqu’à Louis Blanc
Toi, la Pirate ! Le « Loup Blanc »!
Des conducteurs conduisant
Loin du près, près des parages :
Font ton toit pour temps d’orage.
Déportée dans tes élans
Continuel mouvement
Et Itaque ? Et ses rivages ?
Non aux cloaques ! aux mirages !
Heureuse qui comme Ulysse
Signe ici son armistice.
Qu’est-t-il de plus terrible
Face à ceux qu’on a perdus
De succomber, vincible ?
Ou de pâlir à leur vue ?
Dériver aux quatre vents
Continuel mouvement.
Sous le Soleil, sur un banc,
Angle choisi, sourire luisant ;
Plénitude sur ton visage,
Qui certes la mort envisage,
Préfigure tu le sens,
Le scellement du présage.
Toi qui étais comme la mer,
Ode à ton équilibre !